L’entretien motivationnel est une approche prometteuse accompagner les jeunes éloignés de l’emploi
Dans un article précédent, nous avons présenté l’entretien motivationnel (EM). Il s’agit d’un style de communication collaboratif destiné à aider une personne à adopter un nouveau comportement.
Dans ce billet, nous nous intéresserons à son utilisation dans le mentorat d’insertion professionnelle et à la façon de le mettre en œuvre concrètement.
Pourquoi UTILISER l’EM en orientation PROFESSIONNELLE ?
Se lancer dans une démarche d’insertion professionnelle demande de la motivation. Il faut se fixer des objectifs. Il faut aussi se persuader qu’on possède les compétences spécifiques au métier désiré, ou qu’on peut les acquérir. Enfin, il est nécessaire de se convaincre que cette recherche a du sens par rapport à ses propres valeurs. Il faut aussi effectuer des actions parfois déplaisantes (comme convaincre un interlocuteur de sa valeur professionnelle). Ou parfois même anxiogènes (comme contacter de parfaits inconnus).
DES PREUVES EMPIRIQUES
Shékina Rochat, une spécialiste suisse de l’orientation professionnelle, l’affirme : “l’EM permet d’amplifier les objectifs de la personne et les croyances qu’elle peut influencer son destin et gérer ses émotions”.
Cependant, à la différence de la santé, la recherche scientifique sur l’EM en insertion professionnelle est encore balbutiante. Les études de qualité méthodologique et avec des résultats convergents sont encore insuffisantes.
Néanmoins une étude récente menée par la psychologue néo-zélandaise Eileen Britt ouvre des perspectives. Elle a montré que des conseillers d’insertion bien formés à l’EM influençaient le langage de leurs bénéficiaires. Celui en faveur de la recherche augmentait très significativement par rapport à celui de l’inertie. Or, un tel pattern permet de prédire un changement effectif dans le comportement.
D’ailleurs, selon le chercheur Brad Lundahl, “pratiquement chaque fois que l’EM a été testé empiriquement dans de nouveaux domaines (par exemple, la promotion de la santé), il a montré des effets positifs et significatifs. Ainsi, nous n’avons probablement pas encore trouvé les limites des types de problèmes et de symptômes auxquels l’EM peut être valablement appliqué”.
Comment se déroule l’EM dans le contexte de l’orientation professionnelle
L’accompagnement entre mentor et mentoré peut être structuré selon les quatre phases de l’EM:
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Engagement dans la relation :
Un mentorat réussi, comme toute forme de collaboration, commence par l’établissement d’une relation de confiance entre le mentor et le mentoré. A ce titre, trois postures peuvent nuire à la création de ce lien : celle de l’expert qui conseille, celle de l’inquisiteur qui enferme la discussion dans un feu de questions/réponses et celle du magistrat qui juge. Ces trois attitudes suscitent peu ou prou de la résistance de la part du jeune.
Au contraire, pour bâtir une relation empathique, il est préférable d’adopter un comportement centré sur le jeune. Pour cela, il faut lui poser des questions avec parcimonie et, en tout cas, ouvertes. Refléter son discours montre qu’on est à l’écoute. Il est utile également de valoriser sincèrement ses actions et de suspendre son jugement.
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Focalisation :
Dans cette phase, le mentoré choisit, avec son mentor, une direction précise de changement.
Parfois, il existe plusieurs alternatives pour s’orienter (par ex. trouver un stage, rechercher un logement, trouver un moyen de garder son enfant). Dans ce cas, le mentor établit, de manière collaborative avec le mentoré, la liste des options. Il l’amène à prioriser ce qu’il souhaiterait faire en premier.
S’il n’y a pas d’option qui émerge clairement, il faut évoquer les préférences du mentoré vers un futur désirable.
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Evoquer l’ambivalence et la résoudre :
Une fois l’objectif choisi, l’évocation consiste à faire émerger les propres motivations du jeune vers cet objectif. Ce “discours changement”, pour reprendre la terminologie EM, se manifeste par des mots exprimant le désir (“j’aimerais…”), une compétence (“je me sens capable de…”), une raison (“je voudrais parce que…”) ou un besoin (“j’ai vraiment besoin de…”). Le discours-changement, en revanche, s’oppose à l’objectif. L’entretien motivationnel consiste à amplifier le discours changement et à affaiblir le discours maintien.
De multiples stratégies permettent de susciter le discours-changement. Par exemple, le mentor peut aider le jeune à identifier ses valeurs clés (indépendance financière, autonomie, etc.) et à mettre ainsi en évidence les écarts entre ces valeurs et sa situation actuelle. Une autre stratégie est de l’encourager à imaginer le futur selon qu’il s’engage dans le choix professionnel qu’il a en tête ou qu’il reste dans le statu quo. Ou de lui faire décrire le pire et le meilleur scénario possible pouvant survenir à partir de la situation actuelle de manière à accroître ses aspirations liées à la carrière.
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Passer à l’action
Une fois que le discours-changement atteint un niveau satisfaisant par rapport au discours-maintien, le jeune est mûr pour passer à l’action. Il est prêt à formuler un plan d’action précis, comme par exemple, “téléphoner à 6 personnes de mon réseau pour tester mon projet professionnel”. A cette occasion, le mentor peut approfondir cet engagement en lui posant des questions ouvertes comme, par exemple : “Cette initiative est intéressante. Pourriez-vous m’en dire plus ?”
POUR CONCLURE PROVISOIREMENT
Les preuves commencent à s’accumuler qui démontrent l’efficacité de l’EM dans le domaine de l’insertion professionnelle. L’EM est un outil puissant pour résoudre l’ambivalence inhérente aux choix d’orientation professionnelle. C’est la raison pour laquelle nous nous proposons de l’employer systématiquement dans les entretiens entre mentor et mentoré. Nous ne manquerons pas de tirer les leçons de son utilisation dans un futur billet.