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Psychologie

Comment se former à l’entretien motivationnel ?

L’apprentissage de cette approche riche en applications s’apparente plus à un compagnonnage qu’à une formation classique

Dans de précédents articles, nous avons vu l’intérêt de l’entretien motivationnel et son application au mentorat ou à l’insertion professionnelle. Cette approche, certes puissante, requiert cependant des intervenants bien formés.

Dans ce billet, nous allons donc aborder le thème de la formation en entretien motivationnel

Formation classique

Le point de départ dans l’apprentissage est sans doute la lecture du livre de Miller et Rollnick, les deux fondateurs de la méthode (“L’entretien motivationnel” 3ème édition). Cet ouvrage, très riche, explore toutes les facettes de l’approche motivationnelle.

Ensuite, il est utile de compléter cette lecture par une formation de base avec des formateurs aguerris. Celle de l’AFDEM (Association Française de Développement de l’Entretien Motivationnel) dure 3 jours et permet de pratiquer en groupe des exercices d’apprentissage comme par exemple des simulations d’entretien.

Néanmoins, même après une formation de qualité, le chemin est encore long pour acquérir les 12 compétences de l’EM recommandées par Miller :

  • Comprendre dans quel esprit l’EM est pratiqué : partenariat, non jugement, altruisme et évocation
  • Développer le savoir-faire et l’aisance dans l’écoute réflective et dans l’ensemble des savoir-faire OuVER centrés sur le client
  • Identifier les objectifs de changement
  • Échanger de l’information et fournir des conseils dans un style EM
  • Être capable de reconnaître le discours-changement et le discours-maintien
  • Faire émerger le discours-changement
  • Réagir au discours-changement afin de le renforcer
  • Répondre au discours-maintien et à la dissonance
  • Développer l’espoir et la confiance
  • Savoir décider de façon collaborative du moment et du contenu du plan d’action
  • Renforcer l’engagement
  • Intégrer l’EM dans d’autres savoir-faire et pratiques cliniques

Pour se perfectionner, Miller et Rollnick préconisent le tutorat.

LE Tutorat en entretien motivationnel

Il consiste à faire observer ses échanges comme intervenant motivationnel par d’autres personnes formées à la méthode.

Une de ces formules est l’intervision. Un groupe d’intervision se compose de 3 personnes. L’une d’elle joue le rôle du client en présentant une situation d’ambivalence comme par exemple “j’ai du mal à faire de l’exercice”. Un autre membre du trio joue le rôle de l’intervenant, celui qui mène l’entretien motivationnel pendant une dizaine de minutes. La troisième personne observe l’échange qu’on a enregistré. Ensuite, le trio réécoute l’enregistrement en notant ce qui paraît significatif. La dernière partie consiste à débriefer l’entretien sous la houlette de l’observateur : qu’est ce qui a bien marché ? Qu’est-ce qui aurait pu être fait différemment ? Quels enseignements en retirer ? Le billet ici détaille l’intervision.

Ce qui est important dans ces séances d’intervision, c’est ce qu’on n’a pas entendu dans la séance, car cela donne des pistes d’amélioration à tester dans le futur.

L’autre forme d’observation des échanges est la supervision où un expert de l’EM écoute les enregistrements d’un entretien réel pour donner son retour sur la qualité de l’intervention.

Une autre forme de tutorat est constituée par les forums d’échange où l’on discute sur des sujets tels que “comment puis-je me servir de l’EM dans telle situation ?”

L’AUTO-EVALUATION

En pratiquant le tutorat, l’apprenti en EM prend du recul par rapport à sa propre pratique. Il devient peu à peu compétent dans sa propre évaluation. Pour cela, il réécoute ses enregistrements et utilise les grilles de codage qui permettent d’objectiver la qualité de ces derniers. Tout d’abord, en comptant les reflets (R) simples ou complexes, par exemple ceux contenant une hypothèse. Puis en dénombrant les questions (Q), ouvertes ou fermées, et en calculant le ratio R/Q. Miller et Rollnick préconisent un ratio supérieur à 2 pour éviter de transformer l’entretien en interrogatoire.

L’intervenant peut également compter les occurrences de discours-changement (DC) et de discours-maintien (DM) et calculer le ratio DC/DM et son évolution dans le temps de l’entretien. Il se pose des questions comme “quand le discours-changement est-il apparu ?”, “quelle a été la réaction de l’intervenant après son apparition ?”

Enfin, il décompte les occurrences de langage non conformes à l’esprit de l’EM, comme donner son avis sans permission, se confronter ou bien argumenter. Il peut également noter les réactions du client à ce langage.

POUR CONCLURE

L’apprentissage de l’EM est un chemin sans fin tant on découvre de subtilité dans l’art de conduire un entretien. D’ailleurs, la recherche sur les mécanismes à l’œuvre dans l’EM progresse également, donnant de nouvelles perspectives d’évolution.

Finalement, l’intervenant en EM est comme un pianiste. Il sait quand il enfonce une touche, si la note est juste (discours-changement) ou fausse (discours-maintien).

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