L’associer à d’autres techniques permet d’en dépasser les limites
Dans un précédent article, nous avons présenté l’entretien motivationnel (EM) comme un outil prometteur dans le domaine du mentorat. A présent, nous nous attacherons à en montrer les limites et les perspectives pour en améliorer l’utilité.
UN SUCCÈS MODÉRÉ
Depuis les années 1980, l’entretien motivationnel a fait l’objet de nombreuses études pour en prouver l’efficacité. Force est de constater que les effets de l’EM sont relativement modestes.
Dans une méta-analyse de 2010 comprenant 119 interventions, des chercheurs ont calculé une faible taille d’effet de l’EM (d=0,22). A titre de repère, le NICE (National Institute for Health and Care Excellence) britannique préconise un seuil de taille d’effet de 0,5 pour qu’un traitement soit significatif sur le plan clinique. D’ailleurs, un quart de ces études n’ont pas eu d’effet ou eu un effet négatif. En outre, les meilleurs résultats provenaient d’essais cliniques de petite taille, donc de qualité médiocre. Enfin, le résultat de certaines études avec de multiples résultats a amélioré artificiellement l’efficacité.
Une autre méta-analyse sur l’abus de substances nocives a mis en évidence que l’effet de l’EM s’évanouissait dans le temps. En effet, la taille d’effet baissait de 0,77 à un mois à 0,11 après 12 mois.
Pourquoi de tels résultats un peu décevants ? Le psychologue Albert Bandura explique, à propos du traitement des addictions, que “[certes] on peut s’efforcer d’augmenter la motivation à démarrer le traitement. Mais si l’engagement du patient à changer ses habitudes est faible ou inexistant, il est préférable de différer le traitement dans le futur quand ses préoccupations seront plus prégnantes. Car l’échec d’efforts mi-chèvre mi-chou ne peut que renforcer la croyance en la futilité de ces efforts pour changer. Il faut que le changement se traduise rapidement pas des résultats positifs car sinon, l’échec va au contraire renforcer le sentiment d’inefficacité”. Autrement dit, l’EM peut se révéler utile pour augmenter temporairement la motivation, mais il faut d’autres relais pour que cette motivation perdure.
L’EM RENFORCE L’ENGAGEMENT DANS LE TRAITEMENT
Il ne faudrait cependant pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Ainsi, lorsque l’EM est conjugué avec une autre approche, il peut contribuer à en améliorer les effets. Prenons l’exemple des thérapies cognitivo–comportementales (TCCs).
Tout d’abord, compléter une TCC avec de l’EM en améliore le résultat. C’est le cas de l’abus d’alcool, de cocaïne, de l’anxiété généralisée et des troubles du comportement chez l’enfant.
Par ailleurs, selon une étude qualitative, les thérapeutes obtenant les meilleurs résultats avec leurs patients ont des caractéristiques communes. Leurs patients sentent qu’ils sont plus à leur écoute et davantage dans la collaboration. Ils les engageent plus activement à suivre leur traitement. Or ce sont là des compétences que développe l’EM, contribuant ainsi à améliorer la relation thérapeutique en la rendant plus humaine.
Enfin, l’EM, en augmentant la motivation et en diminuant l’ambivalence, pourrait augmenter l’adhésion au traitement, comme dans le traitement de la dépression pour effectuer les exercices en dehors des séances. Or, un des inconvénients majeurs des TCC est leur taux important d’attrition et de récidive (environ 50% des sujets abandonnent le traitement ou rechutent).
L’EM peut donc constituer un excellent tandem pour amplifier cette motivation. A ce titre, l’EM peut être utilisé en prétraitement pour augmenter l’engagement du bénéficiaire de commencer le traitement, ou bien en cours de traitement, à chaque fois que la motivation chute.
POUR ALLER PLUS LOIN
Si l’EM n’est pas une panacée, il est de nature à améliorer les traitements auxquels il est adjoint. Dans un prochain article, nous nous intéresserons à un de ces traitement pour le mentorat.