William a passé 5 ans en logistique avant d’oser devenir informaticien. Comme lui, apprenez à faire de vos passions un métier – avant qu’il ne soit trop tard
Choisir un métier épanouissant relève souvent du parcours du combattant en France. Entre pression sociale, manque d’accompagnement et méconnaissance des réalités professionnelles, nombreux sont ceux qui s’engagent dans des carrières par défaut. Pourtant, une solution existe : ancrer son projet dans ses centres d’intérêt.
Dans cet article, nous allons voir pourquoi identifier ses centres d’intérêt est crucial pour un jeune. Comment les identifier avec la bonne méthode. Et comment transformer ces intérêts en cibles professionnelles concrètes
L’orientation en France : un système à bout de souffle
Un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de 2018 souligne un paradoxe français : alors que l’école se veut un lieu d’émancipation, l’orientation reproduit trop souvent les inégalités. Dès le collège, les élèves sont triés selon leurs résultats scolaires, orientés vers des filières hiérarchisées (générale, technologique, professionnelle) qui conditionnent leur avenir. Ainsi, à 14 à peine, souvent sans avoir exploré leurs aspirations, ils doivent choisir une voie qui déterminera leur parcours pour des années.
Cette précipitation est d’autant plus problématique que les jeunes évoluent dans un contexte de pression sociale et familiale. Les notes deviennent le seul critère de légitimité, occultant d’autres compétences (créativité, engagement associatif, savoir-être) pourtant cruciales dans le monde professionnel. Les élèves issus de milieux défavorisés ou ruraux subissent une peine multiple : manque d’accès à l’information, autocensure face aux filières perçues comme “élitistes”, ou orientation subie vers des métiers jugés “réalistes”. Les filles, quant à elles, restent sous-représentées dans les filières scientifiques et techniques, en raison de stéréotypes de genre persistants.
Enfin, le système souffre d’un manque criant d’accompagnement humain. Avec un conseiller d’orientation pour 1.500 élèves (contre 1 pour 800 en moyenne en Europe), les jeunes naviguent seuls dans une jungle d’informations. Les algorithmes d’affectation comme Parcoursup, opaques et anxiogènes, accentuent le sentiment d’arbitraire. Résultat : près de 90.000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme, et beaucoup d’autres s’engagent dans des études par défaut, sources de décrochage ultérieur.
La motivation, carburant invisible de la réussite
Travailler par contrainte génère frustration et désengagement. À l’inverse, un projet aligné sur ses passions stimule la persévérance. Prenez William : orienté vers la logistique par défaut, il a découvert qu’il était physiquement inadapté à ce métier. Il a finalement osé se reconvertir dans la programmation informatique, un domaine qui le passionnait depuis l’adolescence.
Les métiers exercés par intérêt résistent mieux aux défis. Un élève fasciné par l’environnement acceptera plus facilement les efforts pour intégrer une filière scientifique exigeante. Le CESE insiste d’ailleurs sur l’importance de “devenir acteur de son orientation”, en intégrant dès le collège des activités de découverte de soi (expression orale, stages courts, ateliers collaboratifs).
Briser les carcans sociaux
S’appuyer sur ses passions permet de contourner les déterminismes. Une fille attirée par la tech ne devrait pas renoncer à une carrière d’ingénieure sous prétexte que c’est un “métier d’homme”. Un jeune de milieu modeste mérite d’envisager une école d’art s’il en a le talent.
Anticiper les métiers de demain
À l’ère des transitions numérique et écologique, la majorité des métiers de 2030 n’existent pas encore. Les compétences transversales (adaptabilité, créativité, esprit critique) deviennent primordiales. Or, ces qualités se développent mieux lorsque l’on est motivé par son domaine. Un jeune qui choisit une formation par intérêt sera plus enclin à se former tout au long de la vie, à rebondir après un échec, ou à mixer les parcours (études, alternance, engagement associatif).
Éviter le “syndrome de l’imposteur”
Beaucoup de jeunes intègrent des filières prestigieuses par pression sociale, sans y trouver de sens. Résultat : stress, burnout, ou reconversions coûteuses. À l’inverse, un projet professionnel réfléchi apporte une légitimité intérieure.
Les étapes pour choisir un métier qui vous plaise
Dans “What Color Is Your Parachute ?”, le coach américain Richard Bolles propose une approche pragmatique pour clarifier ses centres d’intérêt. Plutôt que des tests standardisés, il invite à une enquête introspective.
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Explorez ce qui vous captive vraiment
Posez-vous les questions suivantes :
- Où est-ce que j’aime passer mon temps libre ?
- Si je devais suivre des cours, quels sujets m’intéresseraient ?
- Sur quel sujet écrirais-je un livre (autre qu’une biographie) ?
- Dans quelles activités est-ce que j’oublie le temps (je suis dans le “flow”)
- Vers quel rayon de librairie est-ce que je me dirige spontanément ?
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Cartographiez vos connaissances
Faites l’inventaire de ce que vous avez appris. De fait, il y a deux types de savoirs :
- Savoirs académiques (diplômes, formations)
- Savoirs informels (appris en autodidacte, ou en bénévole)
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Priorisez avec la matrice « Expertise x Enthousiasme »
Classez les domaines d’intérêt issus des deux étapes précédentes sur une échelle d’importance selon deux critères :
- Votre niveau de maîtrise actuel (expertise)
- Votre envie d’approfondir (enthousiasme)
Les domaines à fort enthousiasme et expertise élevée sont prioritaires. Même les domaines avec une expertise faible. Sélectionnez-en 3 à 5 pour passer à l’étape suivante : celle des cibles professionnelles.
Pour construire un projet professionnel concret, il est, en effet, essentiel de définir des cibles professionnelles précises. Une cible professionnelle se compose de deux éléments clés :
- Un domaine : secteur d’activité, industrie, ou champ thématique. Par exemple, l’industrie pharmaceutique. C’est le résultat de votre recherche précédente.
- Une fonction : rôle ou mission au sein d’une entreprise de ce domaine. Par exemple, contrôleur de gestion
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Définissez les fonctions possibles :
Une fonction est composée de tâches à réaliser. Prenons par exemple la fonction de formateur. Les tâches associées à cette fonction incluent : animer des réunions, présenter des rapports d’activité, former des équipes. Chaque tâche, pour être exécuter avec succès, nécessite une ou plusieurs compétences. Une des compétences à maîtriser pour être formateur est de savoir parler en public
Pour identifier les fonctions à partir de vos compétences, l’expert en recherche de situations Daniel Porot a complété l’approche de Bolles. Voilà ce qu’il propose :
- Lister et qualifier 15 compétences : issues du travail sur les compétences, vous en précisez le contexte d’application. Par exemple : « Savoir analyser des données dans un contexte marketing pour identifier des tendances consommateurs. »
- Valider les fonctions avec des experts ou grâce à l’IA : présentez votre liste de compétences qualifiées à des professionnels du domaine visé. Exemple de question : « Quelles fonctions, dans l’industrie pharmaceutique, nécessitent de l’analyse de données marketing ? » Réponse possible : analyste de données en études cliniques. Avec l’IA : Utilisez des outils comme ChatGPT pour générer des idées. Exemple de prompt : « Quels métiers combinent analyse de données, communication et secteur environnemental ? »
Après cette enquête, établissez la liste de 3 à 5 fonctions correspondant à vos capacité (ex. : chef de projet, consultant, analyste de données).
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Croisez domaines et fonctions pour obtenir les cibles professionnelles
Créez un tableau qui croise les domaines et les fonctions. Il s’agit ensuite de désigner des métiers correspondant au domaine choisi et à la fonction. On obtient ainsi une série de cibles professionnelles potentielles. Par exemple :
Domaine/Fonction | Chef de projet | Formateur | Consultant |
Psychologie | Inexistant | Formateur en entretien motivationnel*** | Inexistant |
Menuiserie | Chef de chantier de menuiserie* | Enseignant en CAP de menuiserie** | Conseiller de menuisiers indépendants* |
Informatique | Chef de projet informatique chez un prestataire** | Formateur sur SAP*** | Consultant en IA dans un grand groupe*** |
Certaines intersections sont inexistantes (par exemple chef de projet en psychologie). Hiérarchisez les autres cibles par attrait en attribuant des *. Ne retenez que les 3 cibles qui vous motivent le plus. En l’occurrence dans l’exemple :
- Formateur en entretien motivationnel
- Formateur sur SAP
- Consultant en IA dans un grand groupe
Vous voilà prêt pour étudier vos cibles professionnelles.
Conclusion : Oserez-vous suivre vos passions ?
L’orientation idéale n’existe pas, mais éviter les pièges du système est possible. En ancrant vos choix dans ce qui vous anime vraiment, vous construisez une carrière résiliente face aux mutations du marché. Alors commencez votre enquête personnelle ! Car comme le dit Confucius : “Choisissez un travail que vous aimez, et vous n’aurez plus jamais à travailler un seul jour de votre vie”