Si les conflits sont inévitables, les surmonter sans faire de perdant est possible
La sagesse populaire croit que la santé d’une institution, qu’il s’agisse d’une entreprise, d’un couple ou d’une famille, est inversement proportionnelle au nombre de conflits qui l’agitent. Pour John Gottman, expert en thérapies conjugales, c’est plutôt la proportion élevée de conflits résolus qui est signe de bonne santé.
Prenons l’exemple de notre club Toastmasters. Dernièrement, la question de scinder ou non le club a divisé le bureau. Une partie considérait le club trop grand pour conserver son atmosphère conviviale, tandis que l’autre estimait que la taille lui permettait d’attirer davantage de nouveaux membres.
Comment résoudre un tel conflit sans que l’une des parties n’ait le sentiment de perdre la bataille ? Le psychologue Thomas Gordon, dont nous avons parlé dans un billet précédent a mis au point une méthode, la gestion des conflits “Tous gagnants”.
CHERCHER D’ABORD A ANTICIPER LE CONFLIT
Supposez qu’au bureau, vous êtes la responsable de Julien. Celui-ci rencontre un problème qui va affecter sa performance et, par ricochet, la vôtre. Si Julien résout son problème avant qu’il ne devienne le vôtre, vous éviterez le conflit. Pour cela, l’écoute réflective, une des compétences de l’entretien motivationnel, peut aider Julien à résoudre son problème en le motivant à changer son comportement.
De même, le Message-Je aide à désamorcer un conflit. En exprimant votre besoin à la première personne, vous préemptez le comportement de l’autre partie. Par exemple, “j’ai besoin de calme aujourd’hui pour écrire mon discours” incitera (peut-être) votre fils à jouer moins bruyamment ce matin dans le couloir.
DÉPASSER LES MÉTHODES TRADITIONNELLES
Malheureusement, il faut parfois affronter l’obstacle. Etablir un rapport de forces est la technique utilisée habituellement dans ses deux variantes : l’autoritaire (“Je gagne”/“Vous perdez”) ou laxiste (“Je perds”/“Vous gagnez”). L’une comme l’autre provoque frustration et ressentiment chez le perdant.
Pour sortir d’un conflit “par le haut” en satisfaisant les deux parties, Gordon propose donc l’approche “Tous gagnants”. Elle comporte six étapes.
Tout d’abord, problématiser le conflit. Il s’agit ici de comprendre le point de vue de l’autre, ses préoccupations et ses besoins sous-jacents. Là encore, l’écoute réflective approfondit le problème, tandis que le Message-Je exprime ce problème de votre point de vue sans accuser l’autre, mais sans non plus minorer votre ressenti.
Ensuite, générer les solutions possibles. C’est la phase créative de la méthode. La quantité prévaut sur la qualité. Évaluation, critique et jugement sont provisoirement suspendus. Il est préférable de commencer par les idées de l’autre partie et les approfondir grâce à l’écoute réflective.
Par la suite, évaluer les options. Pour cela, les questions ouvertes ont toute leur place : quels sont les avantages et les inconvénients de cette solution ? Pourquoi pourrait-elle ne pas marcher ? Les reflets permettent d’approfondir le point de vue de l’autre.
Puis décider. La clé est que la décision vienne de l’autre sans qu’on ait à le persuader ou à le pousser vers une solution.
Enfin vient le temps de mettre en œuvre la décision. Il est toujours préférable de parier sur la confiance plutôt que sur les châtiments en cas de non-respect de la décision. Si autrui n’honore pas l’accord, un message-Je est bienvenu pour le rappeler.
Finalement, suivre la mise en œuvre de la décision et évaluer son résultat. A ce titre, il faut toujours rester souple et garder la porte ouverte pour une reprise de la discussion.
LES BÉNÉFICES D’UNE TELLE APPROCHE
Cette méthode permet de prendre des décisions de meilleure qualité car elles sont construites simultanément par les deux parties en conflit. Les solutions sont adaptées aux besoins et non pas toutes faites. Interagir avec l’autre motive chaque partie à trouver la meilleure solution.
Décider devient aussi plus rapide. Enfin, l’approche “Tous gagnants” préserve les bonnes relations avec l’autre partie.
POUR ALLER PLUS LOIN
L’approche de résolution des conflits de Thomas Gordon constitue donc un progrès par rapport aux méthodes traditionnelles basées sur le rapport de force.
Dans un prochain billet, nous étudierons un cas pratique illustrant cette méthode.